Un peu de grain à moudre pour ceux qui êtes intéressés et pas déjà au parfum
Des joueurs prêts à racheter un éditeur pour sauver leur monde virtuel
Après les succès de Mozilla et sa récente entrée au sein du Parlement français, le mouvement du Logiciel Libre poursuit sa percée dans l'univers de l'informatique. L'actualité du jeu de rôle multijoueur Ryzom constitue un exemple surprenant. Alors que Nevrax, l'entreprise qui l'a créé, est à un mois de la liquidation, des joueurs comptent racheter le jeu. Prochainement, le tribunal de commerce de Paris fera le tri parmi les propositions de reprise parvenues.
En une semaine, des utilisateurs et des sympathisants au projet ont déjà déposé 166 000 euros de promesses de dons sur la table. L'objectif étant de racheter puis de mettre en licence libre, lors de la vente aux enchères succédant à la liquidation, le code source du jeu, les graphismes, le level design (la topographie de l'univers en ligne)... toutes les données du jeu. L'entreprise, son matériel et ses locaux, eux, seront vendus.
Au fur et à mesure de l'arrivée de promesses de dons se sont joints au projet la société Mekensleep et Valentin Lacambre. La première est une entreprise fondée par Olivier Lejade, l'un des fondateurs du jeu (il a quitté l'entreprise lorsqu'elle s'est éloignée d'un projet Libre), le second est un antédiluvien du Libre, fondateur de Gandi avec Laurent Chemla, une autre grande figure française du Net. La communauté du Libre et ces deux activistes comptent créer une entreprise à trois têtes qui rachètera les données.
RÉUTILISER LES OS DU SQUELETTE
C'est quasiment en dissident que Xavier Antoviaque a créé Ryzom.org, le site puis l'association loi 1901 rassemblant cette étrange communauté. Même si, bien avant son lancement en septembre 2004, le code du jeu devait être déposé en licence libre GPL, l'idée fut bien vite abandonnée, et le jeu lancé avec un marketing et un business plan tout à fait conventionnels. Mais Ryzom est un échec commercial et a englouti des millions d'euros. Sa chute est en grande partie due au succès mondial de World of Warcraft : le bulldozer de Blizzard, à lui seul, écrase le marché.
Si le projet de rachat par la communauté arrive à terme, c'est aussi une immense ressource de codes et de graphismes en trois dimensions qui tombera dans l'escarcelle de la communauté de développeurs et graphistes du Libre. Les os du squelette du jeu pourront aussi servir à l'élaboration de nombreux projets, ceux-ci manquant pour la plupart de graphismes en trois dimensions de qualité. La communauté de donneurs compte "des joueurs qui veulent que le jeu survive, et si possible en libre. Mais surtout de codeurs qui veulent voir ce qu'il y' a sous le capot, se mettre du code sous la dent. Et des sympathisants du Libre qui veulent introduire leur idéal dans ce pan de l'industrie informatique", se félicite Xavier Antoviaque. "Le code source et les graphismes déposés en Libre, ce sera aux joueurs d'assurer le développement du jeu " continue-t-il. Ainsi, le jeu continuerait à vivre, et son évolution serait décidée en partenariat par les joueurs et les deux autres actionnaires. La politique au sein de l'univers virtuel de Ryzom serait décidée "par les joueurs et pour les joueurs à tout les niveaux" .
Le logiciel d'édition 3D Blender fut le premier à faire l'objet d'un rachat de ce type. En faillite, la société Not a Number avait vendu en 2002 le code source du logiciel à une communauté d'utilisateurs qui avait réuni 100 000 euros. En quatre ans, le projet a évolué et fait aujourd'hui référence parmi les progiciels de 3D.
Gregory Kapustin
Source : Lemonde.fr