La promesse ...

De nobles conteurs, à l'esprit empli de légendes et de hauts-faits, parcourent souvent notre belle place ! Venez les écouter !

La promesse ...

Messagepar Mériam » Mar 28 Oct 2003, 18:44

La plage est belle dans sa lumière franche, il fait déja bon.
Elle est comme je l'ai laissée, parfaite et immense, chantante et berçante.

Comme dans ce dernier souvenir d'elle que je refuse encore de laisser émerger et qui pourtant, aujourd'hui exige d'être entendu.
Ma formation s'est achevée il y a quelques lunes de cela, la promesse alors a raisonné !

- Grand-Ma ... Voilà, je suis là.

Ma gorge se serre, mes jambes se dérobent et le souvenir...
Le souvenir reprend ses droits,commence sa lente remontée...

Ce jour là, il y a 10 ans, où j'ai fui sans rien emmener,
où j'ai fui les ténèbres rugissantes, celles qui engloutissent, à jamais, les coeurs vivants.
Je voudrais partir maintenant, peut-être en aurais-je la force à nouveau, j'ai tant marché pour me garder vivante..
Mais ma formation est terminée et la promesse s'est imposée.
Le rugissenement est revenu et aujourd'hui, je dois l'affronter.
Ce jour là, où cette mer, confidente de mes jeux d'enfant, m'a tout volé.
Ce jour là...


La plage est belle sous sa lumière franche, il fait déjà bon et le sable est tiède sous mes pieds...
Pourtant, je frissonne, je sanglotte, j'ai courru pour la rejoindre, elle qui m'avait cru endormie.
J'ai courru, pieds nus aussi vite que j'ai pu, car je sais pourquoi elle est ici.

Nous sommes seules sur la plage, Grand-Ma et moi, elle a choisit son moment.
Ils sont tous partis à la fête du solstice qui durera 3 jours et 3 nuits.
Je n'ai pas eu le droit moi de les accompagner.
Je sens encore la brûlure des tatouages sur mon visage... ceux qui marquent à jamais mon echec, à leurs yeux mon infamie.
Elle m'a vu arriver de loin et ses yeux se sont emplis de larmes.
Elle me parle, mais cette fois je n'entends rien !
Je n'entends que mon esprit se débattre et hurler, tout mon corps refusant et la douleur rugissante qui couvre ses paroles.

Comme un frémissement, un murmure qui voudrait s'enfler, se libérer, mais qui reste maintenu dans une cage d'acier,
un seul mot faible et pittoyable atteind mes lèvres :

-Non..
J'accroche sa manche, comme lorsqu'enfant, je cherchais à prolonger un peu sa présence à mes côtés, repoussant l'heure du coucher
Elle parle mais je n'entends rien !

-Non..
Elle touche ma joue, ses yeux pleurent mais sont si calmes...
Comment peut-elle, alors que j'ai tant besoin d'elle ?

-Non..

Chaque pas pourtant nous rapprochent de la barque.
Cette barque qu'elle va bientôt prendre, seule et sans nourriture, pour aller simplement mourir en mer, car c'est l'heure que la Deesse a désignée
et parce que c'est ainsi que meurent les chamans de mon clan.
Depuis toujours.
Elle est là pour accomplir selon le rite, la cérémonie du Retour.

Mes mains la cherchent pour l'aggripper mais elle est déjà embarquée.
Je voudrais crier, hurler qu'elle est ma grand-mère avant d'être leur Guide, supplier...
Non, non ne t'en vas pas... pas maintenant !

Mais la douleur vrille ma tête, ma vision s'est brouillée, je ne peux plus respirer, je me noie...
Le chagrin, le desespoir par vagues de ténèbres me font suffoquer.
Elle m'abandonne, elle m'abandonne...!
Moi qui suis désormais la honte de mes parents, marquée à jamais, moi qui n'ai plus personne
Elle m'abandonne, elle m'abandonne...!

Quelque chose cède tout à coup en moi, dans un claquement sourd le rugissment s'évanouit soudain !
Un bruit blanc, un néant bienfaisant m'envahit couvrant tout le reste.
Mes yeux s'assechent, mes tremblements cessent.
Je peux respirer
Je ne sens plus rien que ce vide, cette paix glaciale bienvenue...
Je suis à l'abri.
J'entends encore le rugissement gronder, rager mais il est comme ettouffé, masqué et je sais désormais pourvoir l'ignorer.

Alors, immobile, je la laisse partir..
Elle, cette femme qui m'a tout appris et qu'aujourd'hui la mer me ravit.
La barque s'éloigne maintenant, doucement entrainée vers le large.
Elle n'est bientôt plus qu'un petit point à l'horizon...

Mon corps alors entre en mouvement...

Je suis debout dans la cuisine, les odeurs du petit dejeuner ne sont plus que des fragances évanouies...

...

Debout dans ma chambre, la lumière déclinante j'empli mon sac de quelques vètements... Depuis combien de temps suis-je ici ?

...

Au pont, à la sortie de la ville, j'ai un peu froid, je mets ma pelerine. Il fait déjà nuit.

Je trésaille soudainement.
Mon corps se plie sous l'assaut, un gemissement m'échappe... J'ai mal, j'ai tellement mal...!!
La tempête, la douleur, le hurlement rugissent et m'emportent à nouveau.
Je m'effondre sur le sol et en un dernier sursaut, mon esprit recroquevillé dans son abris, se concentre sur le bruit blanc bienfaisant...
il renforce, il construit, il colmate, il érige une barrière d'acier blanc.

Mes tremblements s'espacent alors, je respire de nouveau, lentement, lentement je me redresse...
Je suis à l'abri.
Quelque chose alors, me semble différent ! Le chant ! Le chant a disparu... la forêt, l'eau, les arbres ne parlent plus !
Il n'y a plus que moi, moi et les battements de mon coeur, moi et ma respiration saccadée, moi et le bruit blanc, froid et apaisant !

La lune est haute dans le ciel, quand je prends la direction de la capitale...
Tout est silencieux.
J'ai un peu froid...
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Mériam
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