L'Ombre Grandit...

De nobles conteurs, à l'esprit empli de légendes et de hauts-faits, parcourent souvent notre belle place ! Venez les écouter !

L'Ombre Grandit...

Messagepar Dame Morniefea » Sam 04 Fév 2006, 22:52

[Reposté depuis JOL - notre forum voulait pas ^^ ]

Que d'agitation en cette funeste journée...

Certains de mes camarades de route, Messagers Sacrés, avaient constaté un phénomène étrange qui venait confirmer les sombres pressentiments des jours qui avaient précédé ; ils en semblaient la suite logique.

Le Coeur d'Agramon était sans nul doute un leurre. Nous avons possédé cette relique depuis longtemps maintenant, et la vigilance des soldats de Fëar Morniëo, jointe à la détermination et à la vaillance des champions du royaume, a tenu en échec les tentatives ennemies de s'emparer d'un présent qui a fini par nous paraître un véritable piège.
Car les énergies magiques qui émanaient du Coeur se sont taries. Elles ne soutiennent plus nos combattants et ne restaurent plus leur vigueur ; le Coeur concentre sa puissance dans un autre but, objet maudit doué de conscience.

Il n'est pas le seul à recourir aux ténèbres, et même les serviteurs des ténèbres ont peur...
Les derniers mois ont vu la montée en puissance presque irrésistible des Infernalistes ; leur succès dans leur entreprise de convaincre les guerriers des trois royaumes à faire émerger l'île d'Agramon et le Seigneur Démon qui avait donné son nom à l'île n'était que le début. Les nécyomanciens, effrayés, se sont tournés eux aussi vers les guerriers des trois royaumes, leur offrant des talismans magiques aux pouvoirs étranges, servant sans nul doute les objectifs nécyomanciens et n'aidant qu'accessoirement les porteurs des talismans. Ils ont lutté dans les Abysses contre leurs adversaires Infernalistes, ces adversaires qui avaient déjoué la vigilance des bonnes gens des trois royaumes en faisant croire qu'elles combattaient les démons ; des Infernalistes que le Gardien Dommel lui-même a invité à ses côtés, les lançant en avant tels de la chair à sortilèges, dont il testait la vigueur et la valeur... et leur volonté de sacrifice à Légion.

Hier, quand je suis entrée dans les Abysses, j'ai vu près des portes un groupe de nécyomanciens conférer. Ils étaient tous apeurés, semblant ne pas savoir comment agir, et souhaitant sans doute que leur union les protège contre l'ascendant que les Infernalistes prennent maintenant sur eux. Je voulais les interroger, mais la chance ne m'en a pas été laissée : une Viking, n'ayant pas compris que les ténèbres qui envahissent nos trois royaumes sont un plus grand danger que ce qu'une sentinelle solitaire n'est pour Midgard, a plongé sa lame entre les écailles de mon armure.
Oh, je ne crains plus la mort ; il y a longtemps que je me suis résignée à l'idée de renaître pour servir encore et encore Hibernia, bien que je n'ai jamais compris pourquoi ce choix s'était porté sur moi et mes compagnons de malheur à travers le royaume. Mais c'est avec une amertume certaine que je constatai, revenant vers le portail des Abysses depuis le lointain où mon âme avait trouvé sa nouvelle attache, que l'entrée m'en était désormais fermée. Je ne pouvais plus essayer de parler à ces nécyomanciens, et voir si de leurs mensonges je ne pouvais tirer quelque vérité...

En tous cas, l'apprenti nécyomancien qui attendait à la porte des Abysses ne m'a été d'aucun secours. Il se tenaît coi, le teint encore plus pâle qu'à l'accoutumée, se limitant strictement au commerce pour lequel il avait été envoyé là par les siens, refusant de dire un mot au sujet de ces formes éthérées qui s'échappaient du portail voisin : fées des mortesonges, gardiens abyssaux, succubes et guerriers de sang.
Toutes semblaient attirées par le même lieu : le nord lointain, droit dans la direction de la forteresse de Dun Ailinne, au-delà des montagnes séparant Connacht des Gorges de Cruachan.

Je les suivis, restant prête au combat ; si l'âme d'une de ces créatures avait décidé de s'en prendre à moi, je me devais de me défendre.
Mais elles n'en firent rien, poursuivant au nord ; elles rejoignaient un nexus d'énergies maléfiques dont la vue renforça mon inquiétude.

Au pied des montagnes, au sommet d'une petite colline, une pierre d'invocation semblable à celles qui entouraient Agramon à sa renaissance et à sa chute se tenait ; elle était entourée d'Infernalistes et de Diablotins, et gardée par des âmes en peine. L'énergie maléfique concentrée en ces lieux était assez puissante pour me transpercer telle un poignard.
Je reculai et me soignai, mais je ne pouvais pas rester passive. Je décidai de tenter de perturber le rituel, avant qu'il ne soit trop tard.

Encochant une flèche à mon arc, je visai soigneusement l'un des Infernalistes en transe ; la flèche atteignit sa cible, pour mieux rebondir sur ses robes, comme si elles avaient heurté une barrière infranchissable. Je chargeai alors, m'exposant à nouveau aux sombres énergies qui s'accumulaient, et frappai de ma Batailleuse un autre Infernaliste.
En pure perte ; même la magie de cet artefact ne me permettait pas de porter un coup. Une force irrésistible tenait ma lame en échec, à moins d'un pouce du cou de l'individu en transe. Celui-ci semblait n'avoir rien remarqué, au contraire des diablotins qui se mirent à ricaner devant mon impuissance.
Enervée par leurs grincements moqueurs, je puisai dans les énergies de la nature nous entourant, faisant surgir une forêt de ronces tout autour de la pierre du rituel.

En pure perte.

Aucune arme, aucune magie ne semblait pouvoir atteindre les ritualistes ; les énergies qui les entouraient étaient déjà beaucoup trop puissantes pour qu'une force mortelle pût en triompher à elles seules.
Il ne me restait pas davantage le recours d'obtenir des nécyomanciens quelque piste pour tenter d'interférer avec la magie qui se rassemblait. Au vu de leur effroi, ils auraient sans doute coopéré sans réelles arrière-pensées avec moi pour détourner une magie qui devait leur faire si peur. Mais derrière-moi, sur la colline, les portes menant au domaine de Légion restaient fermées. La viking qui m'avait frappé avait réduit mon dernier espoir à néant plusieurs heures avant que je sois prête à discuter avec les nécyomanciens.

J'étais arrivée trop tard.

Il ne me restait plus maintenant qu'à tenter de voir ce qui se passait de l'autre côté des montagnes, dans la zone contestée par les trois royaumes. Je me rendis d'abord sur l'île d'Agramon proprement dite.
Mais je n'y trouvai pas âme qui vive.
L'endroit restait désert et désolé ; pas un hibernien, ni-même un albionnais ou un midgardien, ne se présentait à l'horizon. Les postes de garde aux murailles étaient déserts ; je n'avais personne vers qui me tourner. J'étais seule dans un désert de cendre, à constater à quel point l'île avait été dépeuplée...

Il me restait à me rendre à Ailinne.

Dans la place forte défendant Druim Ligen, il y avait bien des soldats et d'autres vaillants guerriers luttant pour le royaume, mais aucun ne comprenait trop ce qui se passait.
La tonalité des énergies magiques du lieu semblait également différente de celle du cercle d'invocation que j'avais tenté en vain de briser. Elle n'en restait pas moins oppressante ; tandis que je pénétrai dans le donjon, un ricanement sinistre sembla s'échapper de la terrasse où trône le Coeur d'Agramon. Je montai les marches aussi vite que mon armure me le permettait et me précipitai vers le Coeur, notant avec inquiétude l'absence des petits démons fantomatiques qu'on voyait parfois dans les couloirs et les salles du donjon supérieur.

A l'air libre de la terrasse, sous le regard de gardiens portant de lourds heaumes que je ne leur avais jamais vus, trônait le Coeur d'Agramon, pulsant de plus d'énergies que jamais. Des flots de magie assez denses pour être visibles s'en échappaient et s'y concentraient ; les petits démons fantômes voletaient tout autour.
Je m'approchai du Coeur et me penchai pour l'examiner, mais avant d'avoir pu comprendre pourquoi ses énergies avaient changé, je sentis une vive brûlure sur mon front, me donnant un mal de tête aussi violent que soudain. Je titubai sous la douleur, entendant résonner un rire atroce dans mon crâne ; je repris mes esprits à genoux, au pied du Coeur d'Agramon, sentant quelque chose pulser sur mon front.

L'un des gardes se porta vers moi et m'aida à me relever ; je le remerciai mais il ne me répondit pas un mot ; il fuyait mon regard, détournant sa visière de mon visage.

"Qu'y a-t-il ?" insisté-je. "Que m'est-il arrivé, pour que vous refusiez de me voir ?"
L'homme hésita un instant, levant les yeux vers moi ; son regard se porta sur mon casque, puis vers mon plastron où luisaient mes insignes de capitaine et la décoration que m'avait accordée Dame Brigit pour avoir tenu à l'écart de nos terres les périls de Cuuldurach. Je le vis décrire une étrange passe de ses doigts et l'entendis murmurer une incantation ; puis il lâcha un profond soupir.
Il avait ordre, m'expliqua-t-il, de mettre sous les verrous et à l'écart toute personne qui serait marquée du signe d'Agramon ; il m'expliqua que je portais maintenant cette marque sur mon front : une chauve-souris grimaçante, semblant parfois s'animer.
Il me dit enfin qu'il devait, sur demande expresse de Findilfin Lindereth, laisser libres ceux qui comme moi pouvaient mourir pour Hibernia et se relever pour la servir.

Je partis donc, préoccupée et hésitante, prenant soin d'ajuster la visière de mon casque pour qu'elle couvre mon front et dissimule la marque que je portais dorénavant. Et je rentrai à Druim Ligen, le coeur lourd, pour tenter de discuter avec mes camarades combattants.

Mais je ne prononçai pas un mot en atteignant la forteresse. Je revis là mes compagnons, et me rendis soudain compte de combien semblaient prendre des précautions semblables aux miennes ; qui de porter une capuche, qui un lourd casque, qui d'ajuster en permanence sa couronne ou de rabattre la frange de ses cheveux sur son front.
Je n'avais pas vu, j'avais refusé de voir que loin d'être la marque de coquetteries ou d'une mode quelconque comme il en naît si souvent parmi les combattants à la frontière, ces manies et ces gestes cachaient quelque chose de sinistre, un fardeau à porter pour tout le monde, même si certains semblaient s'en accommoder.

Nous étions maudits, et il n'y avait nul moyen de savoir si bientôt la Magie d'Agramon et celle des Infernalistes allaient se servir de nous, nous affecter, et changer nos vies...
L'humanité n'a qu'une science. C'est la science du mécontentement.
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Messagepar Tower » Dim 05 Fév 2006, 22:55

(j'avais lu sur JoL ^^ récit sympathique et bien edulcoré, je trouve, bravo !)
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