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Le Dernier Mensonge.

MessagePublié: Ven 12 Mars 2004, 11:10
par Mériam

Le jour tombe... Il est temps de s'arreter, pense la femme en laissant tomber son baluchon avec une grimace de soulagement.
Plusieurs jours qu'elle marche maintenant sans oser s'arreter ou dormir, sans écouter son corps endoloris qu'elle malmène, sans penser...

Elle est épuisée. Elle a froid.
Mais elle sait aussi que dormir ne la reposera pas, comme elle sait que le feu qu'elle s'apprète à allumer l'éclairera plus qu'il ne la réchauffera.
Plus rien ne peut la réchauffer, plus rien ne peut chasser cette terreur glacée qui l'habite.
C'est pour cela qu'elle a dû partir, une fois de plus.

Mentir de nouveau et fuir.
Fuir le confort des amis qui écoutent et comprennent, fuir la chaleur de leur coeur...
Fuir celui qu'elle aime et à qui elle devait son âme et la vérité.
Fuir dans la nuit mensongère, une fois encore.

Sans nom
Sans Guilde
Annonyme....
Le prix à payer pour son plus gros mensonge.
Celui qu'elle n'a jamais révélé à quiconque et qui vient de réclamer son dû après toute ses années....
Un prix qu'elle a toujours su, un jour, devoir payer.

Le feu danse maintenant devant ses yeux, carressant, envoûtant et elle ne cherche même pas à retenir la marée d'images qui la submerge.... Elle est si fatiguée.
C'est aussi le prix, le prix du souvenir...
Elle se laisse alors ramener doucement à cette autre nuit il y a 20 ans, celle qui a vu sceller son ultime secret.



La jeune femme courre.... Seule et silencieuse.
Elle courre et se faufile, camouflée par la nuit noire, à l'abri des regards.
Elle ne doit pas être prise se dit elle, en serrant un peu plus étroitement le petit paquet qu'elle porte et protège.
Elle ne doit pas être prise, ni par ses ennemis, ni même par les siens car alors c'est la mort qui l'attend.
Les plaines Albionnaises suivent sa course secrête et silencieuse, alors que la nature même semble veiller à la rendre invisible.
Elle courre et se faufile, attentive car ce qu'elle porte et protège sur son sein, c'est un bébé...
Un bébé qui n'est pas le sien.

Avec son groupe, elle est venue dans la journée patrouiller. C'est comme ça qu'elle l'a trouvé.
Caché, petit paquet abandonné dans un fourré.... Un bébé.
Un bébé albionnais promis à une mort assurée.
Et elle a su...
Elle a su, immédiatement, que malgré la Loi qu'elle connait, que malgré l'interdit, elle reviendrait à la nuit tombée.
L'attente angoissée a été terrible.... La peur que l'enfant soit découvert, tué ou dévoré a occupé toutes ses pensées...
Mais lorsqu'elle est revenue, seule et dissimulée, il était là, calme et silencieux, comme à l'attendre elle. Comme s'il avait su aussi qu'elle reviendrait.
Et ses yeux! Ses yeux lorsqu'il l'a regardé... Elle qui n'a pas d'enfant, qui n'en n'aura jamais.... Son sourire alors... Ce sourire qu'il lui a donné comme un cadeau alors qu'elle le découvrait pour la seconde fois... Ce sourire là, a scellé leur destin à tous les deux.
Elle a senti la chaleur dans son ventre mort... Elle a sentit chaque fibres de son corps s'éveiller lorsque la douceur de la peau tendre de son crâne est venu se caller parfaitement dans le creu de son cou.... Elle a su losqu'elle a sentit cette douce odeur de miel et de lait..
Elle a su qu'elle allait le ramener et mentir à tous pour le sauver, fuir même s'il le fallait.
Elle a su qu'elle était devenu mère, elle a qui ce droit avait été retiré.

Un bébé... Son bébé.

Alors, elle courre, silencieuse et attentive, sur le chemin du retour. Elle ne doit pas être prise, mais si c'est le cas elle se laissera tuer en même temps que l'enfant, elle l'a décidé, car désormais plus rien ne compte que cet enfant qui l'a trouvé elle, la femme tatouée, cet enfant dont le poid si léger contre sa poitrine l'émerveille et la fait pleurer.

Un bébé... Son bébé.


Courre, courre
Petite mère,
Petite femme tatouée
protégeant ton secret,
Courre avec ton bébé
scellant ta nouvelle destiné
Courre toi petite mère
qui n'a pas vu
les yeux dissimilés,
Petite femme tatouée
toi qui ne sait
que quelqu'un dejà connait ta vérité.

MessagePublié: Ven 12 Mars 2004, 13:29
par Tower
(Meriam est décidément un personnage hors du commun ayant vécu une histoire mouvementée, je veux en savoir plus ! ^^

Tower ne se doute même pas de ce passé :wink: )

MessagePublié: Sam 13 Mars 2004, 0:45
par Finnseolase
decidement j'en apprends un peu plus tt les jour sur Meriam, Jeune maman on ne t'abandonneras jamais nous sommes tes amis moi je t'aiderais n'importe ou et n'importe quand (tower est de mon avis je pense ) et on a tous enfreint la loi o moins une fois :) Je t'aiderais a le proteger ton petit bout de chou tout mimi et tout précieux :)

MessagePublié: Ven 02 Avr 2004, 15:02
par Mériam
Le tavernier la regarde avec un air suspicieux.

- J'comprends pas hein! ma ptite dame, c'est qui hein qu'vous cherchez au juste ?

Et alors qu'elle aimerait l'étrangler pour faire disparaître son air stupide et buté, elle fige un peu plus son sourire et dans un petit rire qu'elle espère détaché, mais dans lequel elle sent poindre le desespoir, elle reprend calmement

- En fait 2 personnes, vous avez raison dit-elle avec un clin d'oeil qu'elle espère amène.Une jeune femme qui a dû passer par là et qui cherchait un Barde, une Firebolg.
Une jeune femme, jolie, les cheveux courts, noirs... avec... avec un tatouage sur le visage...

Et malgré le lieu et la situation, son coeur se serre soudainement à ces mots. Elle revoit ce jour, où Hylliade, fière et rayonnante, pensant faire plaisir à sa mère était rentrée à la maison avec son tatouage. Elle revoit alors son air de tristesse choquée lorsqu'elle n'avait eu pour réponse que ses cris à elle.
Mais bien sûr, comment aurait-elle pû savoir ?!! ... Bien sûr... Pourtant, ce rappel douloureux sur le visage de sa propre fille et le choc suffocant qu'elle avait ressentit comme le signe d'une catastrophe imminente...

Le tavernier grommèle alors la ramenant au présent.

- Ptet' bin hein qu'j'aurais pû la voir hein!
Faut dire qu'il en passe tellement du monde hein ici !! Ouais ptet bin.... Savez, c'est une zone frontalière ici hein.... Alors bah j'en vois du monde passer hein!!

Elle reprend encourageante et cette fois appuyant chaque mot.

- Une jeune femme.. Jolie.. Un joli tatouage sur le visage ..

- Oh bah hein, j'aurais pû la voir c'est sûr hein ! C'est qu'il en passe du monde ici hein.. L'est connue ma taverne vous savez !
Mais non hein... me souviens pas... Ptet bin qu'j'aurais pû hein mais non hein ma ptite dame....

- Et ptet bien qu'avec une petite chope d'hydromel, ça te reviendrait plus facilement hein Paddy ? dit alors une petite voix calme juste derrière eux.

Richement vétu, d'une pélerine de fourrure et d'une tunique de soie finement brodée d'or. Un Lurikeen se tient là, un sourire content de lui sur les lèvres qu'il porte comme ses bijoux et les bagues à chacun de ses doigts, ostentatoire.

- Aaaaaaaah M'sieur Blanc !!!! Bin ça !! J'vous avais pas vu entrer alors !
Quel bon vent vous amène hein, encore les affaires ?!!

- Oui oui l'ami répond l'inconnu le sourire plus large encore.
Le commerce des pierres précieuses ne connaît ni guerre, ni frontières comme tu sais dit-il en posant sur le comptoir un petit diamant magnifique et éclatant.
Et peut-être que tu pourrais nous servir une de tes meilleures hydromel à toi et moi et renseigner cette charmante dame ?
Qu'en dis-tu ? La route m'a asseché le gosier !

Les yeux du tavernier s'écarquillent alors si soudainement qu'il prêterait à rire tant ils semblent sur le point de sortir de leurs orbites. Pourtant la femme dont le dos s'est figé comme son sourire, ne rit pas, ne sourit pas et si ses yeux à elle se sont ecarquillés également, ce n'est pas à la vue du diamant sur le comptoir.
Mais le tavernier soudain dégrisé et un peu fébrile s'affaire alors tout a coup.

- Oooooh oui oui bien sûr !!

Regardant alors la femme comme s'il la découvrait pour la première fois et sans remarquer son air effaré, il répond volubile tout en sortant deux chopes de sous le comptoir.

- Une jeune fille hein? Tatouée .... Ouioui Hylliade hein qu'elle s'appelait !! Elle a même travaillé quelques jours ici pour payer sa chambre.... Y a pas très longtemps hein... 3 décades je dirais. L'est partie le lendemain de la fête!

- La fête dis-tu ? demande l'inconnu négligeamment en jouant avec le petit cailloux.

- Oui oui hein !! ajoute le tavernier les yeux fixé sur le diamant.
Oui oui la grande Fête hein... avec les musiciens, le Barde et les jongleurs... Une grosse fête que j'avais prévu de longue date... C'est que j'ai une réputation a tenir hein ! l'est connu ma taverne...
Ses yeux ne pouvant plus se détacher desormais du petit éclat brillant entre les doigts du marchand il rajoute d'une voix rêveuse

- La ptite hein elle a parlé au Barde et l'est partie à l'aube le lendemain.... Gentille... travailleuse aussi hein... nous a manqué...

- Et ce barde, il devait se rendre où ensuite ?

- ...

- Hein ? sursaute t-il en se tournant vers la femme qui semble comme figée et ne remarquant pas que c'est le Lurikeen qui l'interroge désormais.

-Hein ? Oh... heu... Oh oui, il allait faire le tour des tavernes de la régions... C'est que ça coûte cher hein un bon Barde... L'est repartie elle aussi le lendemain.

Puis se secouant alors et regardant tour à tour la femme et le Lurikeen:

- Mais heu... Il doit revenir hein!!!
C'est que ça amène du client alors je lui ai demandé de terminer son tour par nous... et heu bah... sera là demain soir hein... en fait Madame !!


En prenant sa chope, l'inconnu pousse alors délicatement le diamant en direction du Tavernier qui la main légèrement tremblante et comme s'il n'attendait que ce signal, s'en empare.
Les yeux brillants, il regarde quelques instants silencieux le petit éclat au creu de sa main. Son visage s'empourpre alors et c'est d'un sourire éclatant, découvrant toute une série de dents en or qu'il déclare

- Ha bah !! C'est ma tournée hein !!!

- Merci, dit la femme d'une voix blanche tournant les talons soudainement et se dirigeant précipitamment vers la sortie


Dehors, il fait nuit. Elle va devoir attendre demain... Demain le barde sera là.
Mais à cet instant, ce n'est pas à cela qu'elle pense. A cet instant, elle ne pense qu'à une chose : rejoindre les bois le plus vite possible et disparaître dans la nuit... Courir même s'il le faut et se cacher... Oui courir pense-t-elle alors qu'elle allonge le pas.
C'est alors que ce qu'elle redoutait arrive, une petite voix derrière elle.

- Mériam, attends !

Elle ne veut pas se retourner. Elle veut courir et se cacher. Elle veut retourner dans les bois attendre le lendemain, mais son corps ne lui obéit pas. Il s'est arrêté lui et déja se retourne pour faire face à celui qui l'appelle.
Et alors qu'elle voit le lurikeen réduire l'espace qui les sépare et que la colère et la rage, occultant tout le reste, envahissent tout son être à elle, alors qu'elle regarde son mari qu'elle croyait mort depuis 10 ans, s'arrêter devant elle, d'une voix tranchante et glacée elle dit, surprise elle-même

- Garhet ! Qu'est ce que c'est que cet accoutrement ridicule !!!?

Il semble se figer à son tour, complètement pris au dépourvu par cette question. Sa bouche s'ouvre et se referme sans qu'aucun sons n'en sorte et c'est dans cette position qu'elle le laisse alors, retrouvant l'usage de ses jambes, elle lui tourne le dos et s'enfonce dans les bois.

La colère flamboie. Chaude, brulante, dévorante.
Elle ne sent plus son corps, ni sa peine. Plus rien de glacé en elle, ni ce froid intense, ni ce vide insondable dans lequel elle vit depuis qu'elle a compris qu'Hylliade était partie et en danger, mais à la place désormais les flammes consumantes de sa rage...à la place, soudainement cette incroyable sensation violente et pleine qui ébranle tout son être!
Elle qui était vide d'émotions et de ressentits, elle qui était comme morte..... elle sent de nouveau
Et si elle courre alors, si elle courre cette fois, ignorant les appels de Garhet derrière elle, c'est pour conserver cette seule et unique sensation de colère incroyable qui gronde et explose en elle, et qui en cet instant de brûlure extrème la rend simplement de nouveau vivante.
Si elle réussit, à courir assez loin... à garder cette rage infinie au creu d'elle même... elle sait qu'elle n'aura plus à lutter contre la peur et la culpabilité.... elle n'aura plus à lutter contre le désespoir qui a menacé de l'emporter depuis son départ.


- Méri.... je t'en pris..... dit alors Garhet qui s'est arrêté de courir. Méri......


Est-ce sa voix alors, douce et claire qui la fait s'arrêter ?
Est-ce la tristesse qu'elle sent derrière celui, le premier qu'elle a aimé si longtemps et pleuré plus longtemps encore...? Ou est-ce simplement parce qu'elle vient de comprendre la folie dans laquelle elle allait se jeter, qu'elle se retourne alors pour faire face à la vérité, une fois de plus ?

C'est bien lui, un peu essoufflé, un peu vieilli....
Celui qui lui a donné son nom et son amour. Celui qui a partagé son pire secret depuis ce jour où il les avait surprises elle et la petite fille qu'elle cachait contre son sein et qui venait de la rendre mère. Celui qui contre tout attente, ne les avait pas trainées devant des juges ou exécutées comme la Loi le lui permettait, mais avait simplement proposé son aide et les avait guidées a travers la forêt Albionnaise, les sauvant alors toute les deux....
Lui, Garhet d'Ambre. Son mari.

MessagePublié: Ven 02 Avr 2004, 15:50
par Phaey
<Entend l'histoire de cette jeune femme courageuse, pour qui les justes choix de l'âme ont eu tant de conséquences, souvent douloureuses.>

<Imagine les scènes comme si elle y avait pris part, ressent dans ses tripes l'angoisse, la détermination, les larmes, la colère.>

<Sert les poings en songeant à ses propres fuites>

<Secoue la tête et se recentre sur Mériam, espérant connaître bientôt la suite de ce destin hors du commun.>

(Merci Mériam, c'est très beau, bravo :) )


Phaey
Poussière de fée
Solitaire parfois, espiègle souvent.

MessagePublié: Dim 25 Juil 2004, 0:28
par Mériam
Dans la forêt gardienne des secrets et des fuites, tout est désormais comme en suspend.
Aucun mot n'a plus été prononcé depuis leur face à face, la druidesse et le Lurikeen marchent ensembles et silencieux jusqu'au campement.

En une autre nuit pareille à celle ci, ils ont marché ainsi côte à côte.
C'était alors pour sauver une enfant. Un bébé albionnais découvert dans la forêt.
C'était il y a 20 ans...

La femme tatouée et l'Ombre, qu'avait séparé le temps, de nouveau rassemblés et gardiens du même secret troublant....
Et alors qu'ils marchent, réunis de nouveau, alors que la colère et le désespoir se sont figés en cet instant de paix que leur offre la forêt, sans le savoir Mériam et Garhet, dans ce silence bienveillant revivent l'un et l'autre ce jour de leur si improbable rencontre.




Mériam était jeune alors..... Elle prenait soin d'éviter les sentiers connus et parcourrus par la garde.....



La druidesse s'enfonce un peu plus profondémment dans la forêt albionnaise.
Elle ne doit pas être prise, elle le sait. L'enfant qu'elle porte et qui s'est endormi dans la chaleur de son sein n'est pas le sien, elle le sait aussi.
C'est un bébé ennemi et si quelqu'un la surprend, il sera exécuté, tout comme elle le sera pour trahison.
Elle connait les Lois.
Ces mêmes Lois d'hommes qui lui ont valu son tatouage et cette mutilation qui fait d'elle une femme enfant pour le reste de sa vie.

Mais en cet instant, ses entrailles sont en feu et un Impératif plus puissant qu'aucune Loi d'hommes à tout balayé devant lui !
Un Impératif de Vie, puissant et sans appel s'est éveillé au creu d'elle-même.
Elle, la druidesse....
Elle qui n'a voué son âme qu'à la vie et à sa préservation, elle qui soigne sans relache.... et qui pourtant, pour la première fois en découvrant l'enfant s'est sentie pleine et entière.... en accord avec ce qu'elle est au plus profond d'elle même, à sa place et pour la première fois.
Cet enfant alors, d'où qu'il soit... Cette vie là, d'où qu'elle vienne, d'un ventre albionnais ou du sien, n'a plus d'importance. Aucune croyance ou apprentissage ne peut résister au poid de cette vie là.
Cette vie là, qu'elle doit sauver, préserver pour que peut-être enfin, son âme à elle puisse exister.

Cet enfant, cadeau de la forêt sera le sien ou elle même ne sera plus.
Les hommes peuvent suivre leurs Lois, elle sait désormais qu'elle n'appartient plus qu'à la Sienne.

Elle avance alors, prudente et cachée, prenant soin de se dissimuler aux siens comme à ses ennemis.
Evitant les patrouilles et les Gardes, et tant concentrée sur sa tâche nouvelle de mère, qu'elle en oublie les autres dangers de cette contrée étrange et hantée.
Aussi n'a-t-elle pas vu l'Ame perdue qui l'a prise en chasse, attirée par sa chaleur de vie. Et lorsqu'elle prend conscience, soudainement, du froid glacial qui l'entoure, il est trop tard.
Le fantôme est déja sur elle.

Le bébé s'agite, commençant à gémir doucement et l'Ame perdue frémissante se jette alors sur eux avec une férocité redoublée.

Le froid....
Un froid intense et pénétrant envahit tout l'espace la faisant tomber à genoux. Elle aimerait se relever et courir, mais ses jambes glacées ne lui répondent déja plus.
Un givre épais et mordant commence à gagner les parties les plus reculées de son corps, venant sceller sa bouche et alors que son corps s'effondre et, dans un sursaut de protection, se recroqueville sur lui même et le bébé, une envie impérieuse de dormir l'envahit toute entière.

Le premier coup sera fatal, elle le sait...

Pourtant, alors que le monstre avide se penche sur son corps presque froid, dans la clarté de la lune, l'éclair de deux lames.... et soudain, le froid qui reflue... les picotements qui annoncent le retour de la chaleur... le bébé qui s'agite à nouveau et dont elle sent, avec gratitude, le coeur repartir dans un battement puissant...
Lorsqu'elle peut enfin bouger, lorsqu'elle relève la tête, l'Ame perdue n'est plus qu'un ectoplasme fumant à ses pieds et un jeune Lurikeen un peu haletant, habillé tout de noir et comme sorti de nulle part, se tient devant elle

Elle le reconnait pour ce qu'il est alors : une Ombre, et son coeur se glace d'effroi tant elle sait aussi ce qu'il représente.
Les Ombres, cette force cachée d'Hibernia, elle les a cotoyé parfois.
Froids, silencieux et déterminés. Ils apportent mort et destruction là où jamais on ne les attend.
Les Ombres... sans pitié, sans compassion, poursuivant un seul et unique but : la destruction de l'ennemi et en présence de qui elle se sent parfois suffoquée tant elles sont l'antithèse d'elle même.
Une Ombre.... Dans le silence entrecoupé des petis cris du bébé, elle sait déjà qu'il ne l'épargnera pas.

Et, alors qu'elle porte discrètement la main à son arme qu'elle sait à peine manier, alors qu'elle sait qu'elle va devoir frapper la première et porter un coup mortel qu'elle n'a jamais appris, si elle veut sauver l'enfant, le Lurikeen, d'une voix claire et aimable et contre toute attente, demande en posant un regard calme sur l'enfant

- Garçon ou fille ?


Garhet voit la jeune femme perdre alors toute contenance. La main qui s'apprêtait à saisir sa masse retombe mollement le long de son corps. Ses yeux si froids l'instant d'avant se troublent et cette détermination à le tuer qu'il y a lu s'évanouit soudainement.
Elle hésite.
Il voit tout cela en un éclair bien sûr, c'est son métier.
Il a été formé à tout voir et c'est devenu chez lui désormais une seconde nature. Alors, et parce qu'il a vu et sentit tout cela, il sait qu'il peut se détendre et il s'autorise un petit sourire encourageant.

Il connait cette femme. Mériam....
Lui qui parcourre Hibernia et parfois les territoires ennemis en quêtes d'informations utiles aux Généraux. Lui qui est l'Oeil et l'Oreille de la reine Brygitte, comme elle aime à l'appeller parfois.
Lui qui a vu tant de choses qu'il a dû rapporter au Palais, pour les oublier aussitôt données car tel est son métier, il connait cette femme et il n'a jamais oublié son visage, ni son nom contrairement à ce qu'il aurait dû...

Mériam....
Il se souvient de cette nuit près de Connla, au début de son apprentissage, lorsque ses missions ne consernaient alors que le territoire du Royaume. Lorsqu'on lui demandait simplement d'écouter rumeurs et ragots, de rapporter les dires et pensées secrêtes de la population... Cette nuit, où caché, il a croisé, pour la première fois, une toute jeune fille, le visage rougit et enflamé d'un récent tatouage.
Il se souvient de cette détresse, cette solitude extême sous laquelle elle semblait ployer à chaque pas.... De ce cri de douleur qu'elle avait poussé alors que son corps s'éffondrait sur le sol, à la sortie de son village.
Cette toute jeune fille qui semblait fuir une horreur connue d'elle seule...

Il se souvient surtout, de ce que cette scène dont il était le seul témoin avait déclenché en lui.
Un élan. Un élan troublant et contre lequel son instructeur l'avait mis en garde.
Un élan de compassion.
Peut-être était-ce la douleur dans ce cri déchirant, ou la façon dont elle s'était malgré tout relevé.... Peut-être était-ce l'état d'esseulement dans lequel elle semblait se noyer qui avait touché sa propre solitude.... Il ne l'avait jamais su.
Mais ce soir là, alors que s'éveillait quelque chose de nouveau en lui, quelque chose qui n'aurait pas dû être, il avait décidé d'accompagner la jeune fille un temps.
Le temps de s'assurer qu'elle arriverait à destination sans être attaquée ou dévorée par une bête sauvage.

Il se souvient de ces quelques jours, où sans se montrer jamais, il avait veillé son sommeil. Ces quelques nuit qu'il avait passé à s'émerveiller de son visage et à regarder le chatoiemment des flammes du feu, qu'elle allumait chaque soir, dans ses cheveux roux.

Mériam. Il avait appris son nom bien plus tard, en assistant caché à une de ses leçons au Bosquet des Druides.
Mériam qu'il avait accompagné en silence jusqu'à Tir Na Nog sans jamais qu'elle ne se doute.
Mériam, qui était le seul évènement qu'il s'était alors refusé de dévoiler dans son rapport cette semaine là, qui était l'unique souvenir lui appartenant et qu'il avait conservé précieusement en lui tout ce temps.

Mériam qui, aujourd'hui, portait dans ses bras un enfant albionnais de toute évidence et dont les yeux farouches, en cet instant semblaient affirmer qu'elle était prête à mourir pour le sauver.

Oui il connait cette femme. Cette femme dont il n'a jamais entendu la voix, sauf dans ce seul cri poussé une nuit du Solstice, il y a déjà plusieurs années. Cette femme qui le regarde et le voit lui, pour la première fois.
Mériam, dont le visage est encore plus beau que dans son souvenir....

Il sursaute presque alors quand elle répond:

- Je ne sais pas !

MessagePublié: Dim 25 Juil 2004, 1:12
par Tycred
(Bravo ma zoulie Meriam jadore, c'est si emouvnat , /clap j'adore )

MessagePublié: Dim 25 Juil 2004, 11:54
par Tower
(texte prennant et frais, une réussite :wink: )

MessagePublié: Mar 27 Juil 2004, 7:28
par Cytherea
(admirable)

MessagePublié: Dim 01 Août 2004, 11:57
par Onel DeNoblecoeur
(snif je passai sur le forum comme ca et jai vu ca snif c'est ... c'est ...
ya pas de mot pour dire tellement c bien :'))

MessagePublié: Lun 02 Août 2004, 12:30
par Blackspirit
Meriam .....


Tu es tout simplement epoustoufflante ..... et tu me laisse sans voix !

comme d'habitude tu es superbe !

:clap: :clap: :clap: :clap: :clap: :clap: :clap: :clap: :clap: :clap:

MessagePublié: Lun 02 Août 2004, 18:30
par Hartax
Bravo .. très beau récit :o

MessagePublié: Mar 10 Août 2004, 14:12
par Mériam
Le feu crépite dans le silence du campement qu'aucune parole n'est venue troubler
Mériam et Garhet, comme prisonniers l'un et l'autre de cet étrange partage muet de leurs souvenirs ont machinalement préparé puis allumé le foyer....
Gestes simples et familiers qui ont fini d'épuiser la tension entre eux.

Pourtant, alors qu'il sont assis désormais, en cet instant de face à face, ils savent que l'heure des mots n'est pas encore venue...

Dans leurs esprits, images et scènes ont continué leur course implacable, libérées enfin, après tant d'années, des ténèbres dans lesquelles ils croyaient les avoir enfoui... Elles imposent leur cadence effrénée alors, libérant ce pouvoir à leur faire revivre cette nuit de leur première rencontre.

Ils savent tous les deux qu'ensuite, viendra l'heure douloureuse des mots, et son cortège de peur, de déni et de tristesse...
Ensuite viendra l'heure oui....
Peut-être est-ce aussi pour cette raison... Pour repousser un peu plus encore, ce moment d'affrontement qu'ils s'abandonnent simplement et sans plus de résistance, à cette douce et confortable sensation de ces instants partagés, il y a 20 ans....
20 ans..... Alors qu'ils étaient jeunes l'un et l'autre, alors que la forêt semblait protéger leurs pas, alors que le courage d'être simplement eux semblait si aisé.... Alors qu'ils se trouvaient sans le savoir, tous deux au seuil de devenir tout l'un pour l'autre.....



- Je ne sais pas ! a-t-elle dit.
Et en disant cela, la jeune druidesse prend soudainement conscience que ces mots sont la simple vérité !
L'urgence, la peur, le danger.... Mais aussi cette joie puissante dont tout son coeur est ébranlé, ne lui ont pas laissé le temps...
Et alors que l'Ombre fait quelques pas vers elle, pour étudier le visage de l'enfant, elle prend également conscience de son besoin, presque douloureux d'avoir été jusque là ignoré, de savoir elle aussi !
Elle penche la tête, à son tour, et pour la première fois réellement, enveloppe du regard cet enfant qu'elle porte, et qui vient de transformer tout ce qu'elle est...

De longs cils... Des yeux d'un bleu qu'elle n'a jamais croisé.... Des cheveux drus et légèrement bouclés... Des lèvres fines et qui, en cet instant s'étirent en un sourire, visiblement ravi, d'être au centre d'une attention si soutenue....

La Femme et l'Ombre désormais côte à côte et se touchant presque, dans cette position si incongrue en pareil lieu hostile... Tels des parents penchés sur leur nouveau-né, d'un même mouvement solennel, relèvent la tête alors et déclarent dans un même souffle ému

- C'est une fille !

Un silence confortable s'installe entre eux alors qu'ils se sourient maintenant et se regardent, l'un et l'autre émerveillés et tout à coup complètement oublieux du danger qui les entoure ou de ce qui pourrait les observer...




Regardez, Observez,
Bonnes Gens, Belles Dames
Puissants Guerriers

La Femme et l'Ombre
dans ce premier regard
échangé...

Ni fous, ni amants,
vous ai-je annoncé ?
et pourtant,
en cet instant volé

Voyez le Caché,
L'Invisible,
L'Espion dissimulé
comme il trembe,
Celui qui est formé
à toute émotions
rejeter !

Voyez son émoi,
Nobles Gens,
Sous le regard
de la femme enfant,
Elle qui lui sourit
désormais.

Le Furtif, lui !
Qui est la mort incarnée,
voyez ce trouble
qu'il ne peut contrôler
devant celle qui a su
le trouver.

Ni Fous, ni amants ?
Et pourtant,
A la faveur de la lune,
Voyez comme à son tour
elle est touchée
Celle qui ne peut procréer,
Comme elle rayonne
alors transfigurée,
et dans ce lieu de mort assurée
l'émotion qu'à son tour
elle ne peut réprimer.

Voyez-vous Amis hiberniens ?
Ou, plus loin
Dois-je encore vous montrer ?
Ce Joyau en notre sein
Enfin, l'avez-vous décelé ?

Non ?
Alors, regardez
Ignorants Enfants
ce qui ce joue
sous vos yeux impatients.
En cette nuit étoilée,
pour la Femme et L'Ombre
la marque du destin
se sceller!

Et en cet instant
d'éternité,
Reconnaissez Le,
Le Joyau !
Celui qui sauve
A tous, nos âmes damnées
Voyer l'Amour
s'éveiller !


En gigotant soudainement, la petite fille pousse un net cri de protestation d'être tout à coup ignorée et les ramène à leur réalité.
Le moment est passé... leurs yeux se détachent comme à regrets, les laissant l'un et l'autre profondémment troublés, mais Garhet reprennant le premier sa maîtrise de lui même, demande alors :

- Savez-vous déjà comment passer la Garde de Druim Ligen ?

Et ramenée brutalement à la situation, Mériam, de nouveau sur le qui vive réponds un peu hébétée

- Non... Je... Non, je n'y ai pas pensé !
- Venez alors, trouvons un endroit moins exposé.... Pour réfléchir quelques instants.... Je connais une grotte non loin d'ici, je pense que nous y serons à l'abri.

Et sans plus hésiter, Mériam serrant sa fille sur son coeur, et dans une étrange euphorie emboite le pas du petit Lurikeen dont elle ne connait toujours pas le nom... Ce Lurikeen qui chuchotte dans la nuit et ouvre le chemin... Celui qui guide désormais, sans le savoir encore, son coeur à elle et leur destin...

MessagePublié: Mar 10 Août 2004, 16:33
par Blackspirit
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MessagePublié: Sam 04 Sep 2004, 21:26
par Mériam
La course a repris dans une nuit épaissie de nuages menaçants qui cachent la lune, dissimulant les ornières du chemin, et ralentit désormais leur progression...
Pourtant, généreuse, elle les enveloppe, à leur tour, d'ombres si denses, qu'eux-mêmes sont devenus presqu'invisibles.

Et, dans cette obscurité presque parfaite, alors qu'elle suit l'étranger, cet envoyé de la forêt qu'elle n'attendait pas....
Alors que, perdue en plein territoire ennemi, au milieu de la nuit la plus éprouvante de sa jeune vie, elle ne demeure concentrée que sur l'unique necessité à ne pas trébucher...
Alors qu'en cet instant même, elle trahit Maîtres et Royaume, Mériam sourit.

Un sourire qui effleure ses lèvres et que personne ne pourrait même deviner dans la pénombre.... Un sourire qu'elle devine, elle, pourtant.... Intérieur et rayonnant.
Un sourire qui a fleuri, alors même qu'elle évitait les branches mortes désignées par son guide...
Un sourire qu'elle a senti s'épanouir, surprise par ce profond sentiment de paix et de confiance sur lesquels il semble s'être enraciné.

Elle sourit toujours lorsqu'ils arrivent enfin et sans encombre cette fois, à l'endroit décrit par le Lurikeen.
Poussant un soupir de soulagement malgré le froid sépulcral qui émane de la grotte et après avoir jeté un oeil tendre sur sa fille, elle s'enfonce néammoins d'un pas leger dans l'antre avide.
Toutefois, après quelques mètres, elle remarque que l'Ombre ne l'a pas suivi.
Il est demeuré à l'entrée.
Tourné vers l'éxtérieur, il scrute la forêt...
Et à la position de son corps en alerte, à cette immobolité si parfaite qu'il semble se fondre dans la roche même, elle comprend que le moment n'est pas au soulagement.

La respiration nouée, elle rebrousse chemin, mais d'un geste de la main vif et précis, il la stoppe dans son élan et la question qu'elle s'apprêtait à poser vient s'étrangler dans le fond de sa gorge.
Suivant son regard, alors, et adoptant à son tour une fixité de pierre, elle fouille du regard, les bois, sans trop savoir quoi chercher....

Ils restent ainsi, immobiles et silencieux, un temps qui paraît infini à la jeune druidesse pour qui, n'étant formé qu'a la Vie et au mouvement, l'exercice est particulièrement difficile, malgré la gravité du moment.
Puis, tout à coup, au moment même où elle pensait ne plus pouvoir supporter la brûlure vorace des crampes qui ont envahi tout son corps, il apparaît, juste à côté d'elle, la faisant sursauter si violemment qu'elle manque de crier.

- Un problème ? chuchotte-t-elle

- Peut-être... Je ne suis pas sûr, répond-t-il, tournant de nouveau son regard vers l'extérieur.
Il m'a semblé que nous étions suivis ou surveillés un temps....
Mais si ça été le cas, c'est terminé maintenant !
Vous êtes toutes les deux en sécurité !

De nouveau, un silence agréable vient ponctuer sa phrase.
Le Lurikeen lui sourit sereinement et alors que Mériam s'autorise enfin à relâcher la tension qui la paralysait, avec un air affable et malicieux il effectue soudainement, une parfaite petite révérence tout en déclamant de façon bien sonore cette fois

- Garhet d'Ambre, pour vous servir ! Noble Dame .... ?

La tension s'évanouit définitivement, et une Mériam un peu éberluée mais se prenant au jeu, s'incline à son tour, dans une gracieuse imitation de révérence de Cours.

- Mériam, Sir Garhet.
Mon nom est Mériam, druidesse... au service du Royaume ! rajoute-t-elle alors dans un sourire amusé, tout à coup, pleinement consciente du bébé Albionnais qui respire calmement dans ses bras.

- Et ce petit bout de chou... ?

Elle le regarde alors sans comprendre.
Chou ? pense-t-elle alors qu'une ribambelle de légumes et variétés s'imposent à son esprit, l'empêchant de faire le lien avec l'enfant qu'elle porte.

- Ch... Chou ? bégaye-t-elle perdue.

Et alors que son esprit semble repartir en un laborieux sursaut...

- Aaaaaaaaah ! Ooooh !

et que la lumière se fait enfin, elle répond, cette fois sans hésiter, comme si le prénom avait toujours été gravé en elle, attendant simplement de pouvoir se révéler.

- Hylliade !
Voici ma fille Hylliade ! dit-elle en présentant le bébé à Garhet.

- Un fort joli prénom... et qui semble approprié...
J'ai entendu, il y a longtemps, au cours de mes voyages, une fort longue histoire, belle et épique qui portait ce nom...

Mais sans le laisser finir, Mériam demande alors, abruptement

- Pourquoi nous aidez-vous ?

Désarçonné, Garhet ne répond pas immédiatement...
Lui dire la vérité toute simple, pense-t-il tout d'abord dans cet élan de sincérité que fait naître la druidesse en lui.
La vérité ? Pauvre idiot ! se sermonne-t-il alors.
Lui dire que tu l'as protégé déjà ? Que tu l'as suivie plusieurs jours et nuits, il y a 5 ans sans jamais te monter !!!
Puis amèrement....
Lui dire que chaque fois qu'il t'a été possible, tu es resté caché à l'entrée du Bosquet des Druides, dans l'espoir de la voir passer ?
Que son visage ne t'a plus jamais quitté et que depuis lors, tu n'as plus jamais trouvé plaisir et honneur à ton métier ?!!!
La vérité !!
Elle te prendrait pour ce que tu es ! Un pauvre Fou ! se raille-t-il, abandonnant cette folle idée aux allures si séduisantes.

Puis faisant appel à ce qu'il fait de mieux depuis tant d'années, il tarit ce flot d'émotions incontrôlées que vient de provoquer la jeune femme par sa simple question et répond, ignorant la douleur qui vient de naître dans sa poitrine.

- Pour l'heure ma Dame, sachez juste que l'aide que je vous propose est sincère et que mes raisons.... hésite-t-il de peur de se laisser aller malgré tout... m'appartiennent, dirons-nous.

Et enchaînant immédiatement, afin qu'elle ne puisse sentir le trouble qui vient de l'envahir,

- Et vous même ?
Savez-vous comment passer la Garde à l'entrée du Royaume avec Hylliade ?
Et ensuite ? Savez-vous où aller ?
Je suppose que personne ne vous connait d'enfants ? Cela ne risque-t-il pas d'en surprendre plus d'un ?

- Et bien oui... Enfin, oui je pensais simplement la camoufler dans ma cape et passer... Voilà ! Répond vivement Mériam, piquée au vif.

- Mmh je vois...
Et que se passera-t-il si à l'arrivée de Druim Ligen on vous demande assistance ? Si vous avez quelqu'un à soigner ?

- Je.... heu... Je n'y avais pas pensé, avoue la jeune femme.
Je ne sais pas.... Avez-vous une autre idée ?

- En fait, oui. Vous allez me confier l'enfant et c'est moi qui...

- NON !

Net et sans appel, Mériam qui vient de reculer d'un pas et instinctivement, a resserré ses bras autour du bébé, le regarde horrifiée.
La tension s'accroît de nouveau....

- NON ! Personne ne me la prendra !

Et Garhet comprenant à ses yeux de nouveau farouches, qu'il va devoir utiliser toute sa science de la persuasion, reprend patiemment.

- Je ne veux pas vous la prendre. Il n'est même pas question de cela.

- Non !

- Ecoutez moi simplement... C'est tout ce que je vous demande.

Et sans lui laisser le temps de répliquer, il continue...

- Beaucoup de guerriers rentrent blessés à Druim Ligen, vous le savez comme moi.
Vous savez aussi qu'en vous voyant arriver, on vous demandera de l'aide.
Aide qui provoquera bien des questions si vous la refusez !
Vous ne pourrez pas cacher Hylliade !

Et malgré l'attitude de Mériam qui secoue maintenant la tête, sans discontinuer, en signe de refus, il continue appuyant chacun de ses mots.

- En revanche, si vous me la confiez, je peux passer la Garde avec elle, sans qu'on ne me voit.
La dissimulation est mon métier et je sais passer complètement inaperçu, Mériam réfléchissez .... Je suis une Ombre !
Je pourrais passer les portes sans même me cacher d'ailleurs si je le voulais, tant les Hiberniens sont mal à l'aise en notre présence !
Vous même, je suis sûr que vous détournez votre regard habituellement lorsqu'une Ombre passe près de vous ! Non ?

Et parce qu'elle vient d'arrêter son mouvement de tête et qu'elle semble soudain plus attentive, il insiste, conscient de la manipuler, mais sachant que le moment est idéal et qu'il n'a pas vraiment le choix

- Mériam ! Vous voulez sauvez Hylliade ?

Les yeux de la jeune femme s'agrandissent soudain

- Oui !

- Alors, croyez-vous que vous ayez le choix ? Je suis votre seule chance.
Je passerai sans problème, vous le savez !
Nous nous donnerons rendez-vous dans Hibernia... Vous me rejoindrez.
Avez-vous un lieu où vous cacher quelques temps ?

- Non, répond-elle piteusement et résignée désormais.

- Alors je vous donnerai une adresse.... J'ai une maison isolée que personne ne me connaît.
Nous nous retrouverons là-bas Mériam !
Etes-vous d'accord ? .... Mériam ?

Mériam s'assoie alors doucement.
La grotte à disparu.... Garhet aussi...
Seul le visage d'Hylliade résiste aux flots de pensées qui s'entrechoquent avec violence aux émotions contradictoires qu'elle ressent.
Combat titanesque entre son jeune coeur de mère et la nécessité de sauver Hylliade....
Entre la peur de la perdre, ce déchirement de se voir la confier à quelqu'un d'autre et les paroles du Lurikeen qu'elle sait justes....
Qu'elle sait sages, même si en cet instant, elle le hait plus que quiconque....
Et s'il la tue simplement se repentant d'avoir proposé son aide ?

Il s'est arrêté de parler. Il attend sa réponse.
Et alors, qu'elle relève la tête sans savoir encore ce qu'elle a décidé ou même ce qu'elle va dire, elle croise son regard....

- Protègerez-vous ma fille ?
- Oui.
- L'amènerez-vous jusque chez vous, pour me la rendre ? Ferez-vous cela ?
- Oui.
- Pourquoi ?

Nul endroit où se cacher et pour la première fois....
Garhet en pleine lumière, celle de ses yeux, ne peux plus se dérober et dans une étrange jubilation de se sentir pour la première fois si vulnérable, il laisse les mots sortir de lui...

- Je l'ai déjà fait ! Vous protèger, je veux dire....
Il y a 5 ans, cette nuit du Solstice où vous fuyiez votre village... Chaque nuit je vous ai veillée, jusqu'à ce que vous arriviez sauve à Tir Na Nog....
Et... Alors.... Vous avez changé ce que j'étais... termine-t-il dans un souffle.

La jeune femme le fixe encore quelques instants, intolérables, puis dans un geste lent, lui tend l'enfant qu'il accueille solennelement dans ses bras.