II
- Que soient maudits tout les lurikeens ! Engeance du mal au service du fléau purulent nain, si je pouvais je les ferais tous rôtir dans la lave de Volcania !
Sur un hoquet, l'Elfe qui venait d'hurler cela en déboulant dans la maison s'écroula par terre.
Réveillée en sursaut, Sephra tenta en vain de raccorder la réalité calme et bienheureuse dans laquelle elle baignait quelques minutes plus tôt et le charivari alcoolisé dans lequel croupissait l'arrivante.
- Et pourtant, tu sembles l'apprécier, la production lurikeen, ma chère, répliqua une Ayral qui ne semblait nullement surprise.
- Peste soient-ils !
Un nouveau hoquet fit taire l'Elfe, qui réussi à se mettre à quatre pattes et à recommencer à respirer. Entortillée dans sa cape, sa longue chevelure blanche éparse, elle offrait à la vue un tableau qui aurait pu être pitoyable, si la grâce sauvage de ceux de sa race ne la rendait terriblement charismatique.
Ayral se rendit à ses cotés, détacha sa cape, sa besace. Elle l'aida à retirer bottes, gants, chausses et pourpoint. Ne restait plus qu'une tunique suffisamment moulante pour se rendre compte que rien n'avait jamais altéré la finesse uniforme propre à ces créatures. Et pourtant, nous savons tous les ravages que la bière naine fait aux estomacs et aux ventres humains. Ah, que les dieux sont cruels et injustes, parfois...
- Sephra, je te présente Eesafem, première propriétaire de cette maison, grande Elfe connue plus pour sa curiosité et sa joie de vivre que pour ses talents aux combats, je dois dire. Une personne charmante, néanmoins.
La barde, déroutée, tenta de séparer l'ironie de la sincérité dans le discours d'Ayral, puis abandonna. Elle fit maladroitement un salut à l'Elfe, et murmura:
- Heu, bonsoir...
- Tu es qui, toi ?
Le verre empli d'un liquide sombre que lui avait servi son amie semblait avoir un peu requinqué la nouvelle venue, et son regard très vert retrouvait tout son perçant tandis qu'elle détaillait l'humaine. Il se figea à la vue des vêtements abandonnés au bout du lit. D'une main agile elle récupéra la cape et examina le dessin brodé dessus.
- Dis donc, tu viens des Messagers Sacrés, toi ?
- Heu, oui, bafouilla Sephra, prise au dépourvu.
- Ah ah ! Tu connais donc cette vieille peau de Kelebria !
Ayral étouffa un cri indigné et Sephra dégringola encore plus profondément dans son abysse de surprise et de confusion.
- Heu, oui, je connais Dame Kelebria, c'est elle qui m'a invité parmi les Messagers. C'est une femme très gentille, et pas si vieille que ça, et...
- Oui, oui.
Eesa coupa court aux protestations de Sephra et lui sourit doucement.
- Je connais Kelebria... Du moins ce qu'elle a accepté de nous laisser voir. Ca fait bien longtemps que je ne l'ai plus croisé, d'ailleurs. En même temps...
- En même temps, si tu étais venue à mon mariage, tu l'aurais vu.
La colère et la rancoeur transparaissaient nettement dans le ton d'Ayral, qui toisait d'un air sombre l'Elfe. Cette dernière fit semblant de n'avoir rien entendu et rendit sa cape à Sephra.
- Oui, très gentille assurément. Que devient-ils, d'ailleurs, les Messagers ? Toujours à se battre contre ces idiots de Midgard et d'Albion ? J'ai entendu dire que le vieux Tower avait finalement pris sa retraite, comme quoi, tout arrive. C'est une grande perte pour notre royaume, tout ça.
- Oui, mais il passe néanmoins de temps en temps. Et...
- Ah, et donc Keleb' est devenue ce qu'ils appellent ta marraine, alors ?
- Oh, non, elle ne pouvait pas. C'est Avalo, un homme très gentil qui a accepté de me prendre sous sa tutelle. D'ailleurs...
- Ah ! Avalo !
Eesafem et Ayral échangèrent un sourire entendu qui échappa encore une fois à Sephra. En effets, la réputation d'Avalo auprès de ces dames n'était plus à faire.
- Quoi, Ah, Avalo ? Encore des critiques ?
- Ah, mais c'est qu'elle serait susceptible, en plus ?
- Non, mais je n'aime pas qu'on insulte ceux que j'aime et... Et...
Eesafem passa ses bras autours des épaules de Sephra et la serra brièvement contre elle.
- Allons allons. Ne t'inquiètes pas pour ce que je dis, je plaisante, bien sur. Bon ! Si on allait dormir ? Demain, le réveil sera dur, autant profiter de quelques heures de sommeil avant que ce maudit monde nous en tire brusquement. On a de la visite, demain.
- Ca veut dire qu'il faudra ranger, marmonna Ayral, un peu contrariée.
- Oui, oui, nous verrons ça plus tard.
Eesafem s'allongea souplement sur les peaux disposées au sol, qui formaient de fait un matelas peut-être plus moelleux que ceux des lits humains. Une couverture sur les épaules, elle ne tarda pas à dormir béatement, sous le regard encore médusé de Sephra. Quand à la troisième jeune femme, elle s'était recouchée dans le grand lit et tournait le dos à la scène.
C'est sur une lune qui repartait vers l'autre coté du monde que le silence revint dans la pièce principale, tranquillement.
--------------------------------------------------------------------
ça suffira pour un début
En espérant que ça vous intéresse un peu, au pire je posterai la suite dans le vide, huhu