par Mériam » Mer 15 Sep 2004, 13:08
Il avait eu raison bien sûr....
A son arrivée aux Portes de Druim Ligen, Mériam avait été réquisitionnée pour soigner tout un groupe d'Hiberniens.
Et alors qu'elle écoutait les plaintes, qu'elle soignait plaies et blessures, alors même qu'elle faisait appel aux Forces de la Grande Mère pour insuffler de nouveau la Vie, là où celle-ci n'était plus qu'une petite flamme prète à s'éteindre, elle n'avait eu à l'esprit que la progression de Garhet et Hylliade.
Et bien qu'elle sache qu'il était vain de chercher à les voir, elle n'avait pû s'empêcher, tout en distribuant sourires, paroles réconfortantes et onguents, d'observer la Porte du Fort....
Celle qui menait en territoire hibernien.
Celle, derrière laquelle continuait de se dérouler une vie normale et routinière à l'abri des guerres.
Aucun signe, bien sûr, ne lui avait permis de deviner ou de sentir s'ils avaient réussi à passer. C'était la force de l'Ombre sur laquelle, ils avaient compté tous les deux. L'Invisibilité.
Aussi, était-elle restée avec ses doutes et ses regrets d'avoir, sur un moment de sincérité, fait confiance à l'étranger.
La nuit s'était prolongée au delà de ses forces, les blessés arrivaient de partout et pour la première fois, elle les maudissait...
Elle aurait voulu qu'ils soient tous morts.... Elle aurait voulu courir à l'endroit donné par le Lurikeen et lui arracher sa fille des bras....
Mais elle avait continué, malgré tout, puisant dans toute sa force d'âme pour rester là où, elle savait, n'était pas sa place.
L'aube claire l'avait accueillie fourbue et à moitié folle d'inquiètudes. Le poids de la nuit, broyant tout son corps, mais enfin libre, elle avait pris le cheval jusqu'à l'endroit indiqué, se forçant à ne pas courir, réfrénant ces monstres avides en elle qui lui montraient sa fille égorgée et un Garhet faisant son rapport.
Elle avait dû marcher, un temps encore, dans une forêt qu'elle ne connaissait pas et incapable pour la première fois de profiter de cette lumière naissante dans le feuillage qu'elle aimait tant habituellement, égarée en pleine forêt, pour la première fois.
Et puis.... Dans une petite clairière, la maison.
La fumée sortant de la cheminée... Sa course éffrénée sur les derniers mêtres, pour tomber à genoux devant une petite fenêtre, écrasée par la peur et incapable d'aller plus loin.
L'intérieur semblait chaud et confortable. Une marmite était posée sur le feu au centre d'une petite pièce ronde... La lumière et le chatoyement des flammes venait carresser de ses teintes orangées les tentures posées sur tous les murs...
Et là !
Dans un coin, plus à l'écart... Une table et Garhet en train de préparer une potion.... Mais surtout... Surtout, juste à côté de lui, un panier dans lequel il regardait régulièrement, un sourire aux lèvres.
Un petit panier d'où apparaissait par intermittance, une toute petite main qui s'agitait pour tenter d'attrapper quelque chose.
Il avait soudainement relevé la tête quand elle s'était écroulée complètement dans un gémissement inarticulé juste derrière la fenêtre.
Toute la tension venait de la quitter, laissant place au poids écrasant du soulagement et à celui de sa fatigue extême.
Il l'avait aidé à se trainer à l'intérieur et compris tout de suite que malgré son état de faiblesse, elle refuserait de s'assoir avant de n'avoir vu sa fille.
Aussi, délicatement, lui avait-il amené le panier, où Hylliade souriante jouait avec une petite figurine de dragon sculpté.
Seulement alors, elle avait obéi et accepté de s'allonger, sans s'apercevoir qu'au contact même de la peau d'ours, elle venait instantanémment de sombrer dans un sommeil profond.
A son réveil, seize heures plus tard, une autre vie l'attendait...
Nouvelle, lumineuse, joyeuse mais dont elle allait devoir supporter les terribles zones d'ombres aussi tout le reste de sa vie.
Elle en avait pris conscience. Elle l'avait accepté.
Puis, il avait fallu parler.
Garhet, de nouveau soucieux de dissimuler au mieux les évènements, et après lui avoir fait passer un interrogatoire complet sur ses intentions, ses plans, ses prévisions qui d'ailleurs s'étaient révélés bien minces, avait pris les choses en main et offert plusieurs alternatives.
Des missives avaient été envoyées, à sa Guilde pour expliquer son absence, prétextant certains problèmes familliaux à règler.
Personne ne savait d'où elle venait. Elle avait caché toute son histoire depuis son arrivée à Tir Na Nog. Personne ne pourrait vérifier avaient-ils pensé.
Cela leur donnait un peu de temps pour trouver comment amener Hylliade dans la vie de Mériam sans provoquer trop d'interrogations.
Une semaine avait passé alors...
Une semaine de parfaite paix.... De petits bonheurs...
Une semaine d'émerveillements constants quant à ce bébé rieur...
Une semaine aussi d'une gène, entre elle et Garhet, s'intensifiant à mesure que croissaient les rires et les sourires qu'ils partageaient.... Les dîners et la contemplation, chaque soir sur le petit porche, des étoiles dont il lui apprenait le nom.
Garhet s'était révélé un hote attentionné et enjoué. Riant, souriant et appréçiant la Vie, toutes formes de vie au point de refuser de manger un quelconque animal. Passionné d'Alchimie, il lui en avait montré quelques rudiments.
Ses silences étaient confortables. Il ne posait que rarement des questions et surtout il adorait Hylliade pour qui, il s'était lancé, dès le premier jour, dans la fabrication de petits animaux de la forêt, en bois....
Une semaine de vie pleine et paisible, comme elle n'en n'avait jamais connu.
Puis, un soir, il était revenu sombre et inquiet d'une de ses "patrouilles" comme il les appellait.
Il lui avait alors parlé du Barde.
Un Barde qui chantait une nouvelle Ballade, parlant d'une Ombre et d'un Femme tatouée.... parlant d'un enfant sauvé....
Un Barde qui se dirigeait vers la capitale avec sa chanson maudite.
Et Mériam, un instant s'était cru revenue dans cette grotte froide et humide...
Il avait eu raison ! Toute la scène avait eu un témoin et depuis le début.
Un témoin qui toutefois ne les avait pas dénoncé avait alors fait remarquer Garhet pour l'apaiser. Pour l'instant avait-il insisté, la Barde, car c'était une femme, n'avait pas atteind Tir Na Nog et faisait encore partie de son périmètre de surveillance à lui. Tout n'était pas perdu avait -il dit, ce soir là en la regardant dans les yeux et lui prenant la main pour la première fois.
Je vais m'occuper de cette femme dès ce soir lui avait-il promis sans en dire plus. Mais leur plan initial, qui avait été de faire passer Hylliade pour la nièce de Mériam, seule enfant de sa soeur morte en couches ne pouvait plus être employé.
C'est ce soir là qu'il lui avait alors demandé, avant de partir, de réfléchir à un autre plan pendant son absence et qu'il était parti meurtri par le rire qu'elle n'avait pû réprimer lorsqu'il lui avait exposé son idée.
Un rire qui l'avait, ensuite, torturée elle tout la nuit alors qu'elle espérait son retour...
Toute la nuit, elle avait revu un Garhet soudain hésitant, rougissant et maîtrisant difficilement son trouble, la demander en mariage.
Et alors que cet effroyable rire s'était échappé d'elle en retour, elle avait vu l'Ombre ressurgir en lui et reprendre le dessus.
Il avait alors exposé son plan de mannière froide et raisonnable.
- Mériam, pour cacher quelque chose, il convient de le montrer à tout le monde.
Je veux dire par là que je suis Lurikeen. Vous êtes Celte. Nos races ne se marient pas. Cela serait tellement inconvenant !! avait-il ricané.
Mais cela créerait un tel scandal que Tir Na Nog en parlerait pendant des mois et qu'Hylliade disparaîtrait complètement.
Comprenez... Je ne cherche qu'Ã vous aider. Cela ne sera pas facile. Il faudra supporter les regards, les rires, les quolibets bien sur.... Mais plus cela fera de bruit, plus nos chances que votre fille ou sa provenance n'interesse personne, seront grandes.
Ensuite les gens oublieront. Puis nous ferons parler de nous à nouveau quand nous nous séparerons.... et ce sera gagné !
Vous serez définitivement tranquilles.
Et il était parti, froid et silencieux lui demandant juste d'y réfléchir...
Milles pensées, milles émotions contradictoires avaient peuplé sa nuit d'attente. Remords, peur, détermination et autre chose.... Autre chose qu'elle n'avait pas su nommer à l'époque, mais qui prenait racine dans cette semaine passée ici, aux côtés de Garhet.
Autre chose qui, peut-être, avait été la seule et unique raison pour laquelle , à son retour, elle avait dit Oui, dans un souffle ému.
Il avait eu raison bien sûr....
Tout s'était déroulé exactement comme prévu.... De la mine éberluée du Druide-marieur cherchant dans ses parchemins une Loi lui permettant de ne pas officialiser leur union.... aux rires....
De la foule scandalisée... aux chansons écrites sur le sujet se répendant dans tout le pays....
Oui, tout avait marché et malgré, le regards horrifié des gens présents ce jour là , malgré leur secret à tous les deux... Malgré les remarques désobligeantes de ses propres confères... Ce jour là , où elle était devenue Dame Mériam D'Ambre, avait été étonnamment rayonnant et heureux pour elle.
Car, alors qu'elle s'appretait à dire Oui devant témoins cette fois, elle n'avait plus du tout eu envie de rire....
Bien sûr, ils ne s'étaient pas séparés. Plus jamais.
Garhet avait arrêté son travail et s'était consacré exclusivement à ses recherches en Alchimie et à elles deux.
Ils avaient été heureux. Ils avaient partagés leurs âmes et tous leurs secrets.....
Les gens avaient fini par se désinteresser d'eux, et ils avaient pû alors regarder grandir leur fille sereinement....
Pendant cinq ans, ça n'avait été que la Vie. Simple et fière... Forte et routinière.
Puis il y avait eu ce jour, où absente avec Hylliade, l'atelier d'Alchimie avait explosé, la privant de celui qu'elle aimait, et du seul être qui la connaissait vraiment.
Son mari était mort, du moins c'est ce qu'elle avait cru... pense Mériam en regardant Garhet par dessus le feu et sentant les griffes de cette ancienne douleur se planter de nouveau dans son coeur.
Il l'a regarde lui aussi maintenant.
Et ses yeux, qu'elle connait si bien, ses yeux qui ne lui avaient jamais rien caché croyait-elle, implorent en cet instant.
Et parce que, seule la pensée d'Hylliade, sa fille partie à la recherche de sa mère Albionnaise, empli à nouveau toute sa conscience....
Parce qu'elle même, a tant menti, durant tout ce temps, aux gens qu'elle aimait le plus...
Parce qu'en cette nuit du souvenir, elle est si fatiguée et en même temps si près du but, dans un soupir apaisant elle dit à son mari mort...
- Le Barde, Garhet, il est revenu.
- Je sais.
- Je croyais... J'avais cru... que...
- Non, je ne l'ai pas tué cette nuit là Méri.... Je... J'en ai été incapable.
Alors je lui ai fait peur simplement et je l'ai payé pour son silence, je l'ai obligé à n'officier qu'aux limites du Territoire.
Et parce que le temps des mots est venu, Mériam ne peut plus occulter malgré l'angoisse qu'elle ressent, la seule question qui importe vraiment.
- Pourquoi Garhet ? Te faire passer pour mort ? Pourquoi ?
Il baisse la tête cette fois n'osant la regarder et elle comprend douloureusement, que sa peur était fondée.
- Je n'ai pas eu le choix Méri.... Je ... Cette nuit là , quand je suis allé voir le Barde sans pouvoir la tuer, je suis ensuite allé au Palais, voir la Reine pour quitter la Loge des Ombres qui est à son service.
Quitter ce métier que j'avais pris en horreur.
Mais.... Elle savait tout Mériam !
Je ne le savais pas, mais depuis quelques temps j'étais surveillé. Mon instructeur avait senti un.... le changement en moi et j'étais donc surveillé comme au début de mon enseignement.
Ils savaient.
Ils savaient pour toi et Hylliade... Il savait pour la maison... et pour la chanson aussi.
Tout. Ils savaient tout.
Et même si je visage de Mériam n'exprime plus rien désormais, il continue.
- Ils m'ont proposé un marché.
Tu comprends, on était déjà en guerre, j'étais un excellent élément, ils ne pouvaient pas se séparer de moi si facilement. Ils avaient besoin de moi, alors ils m'ont proposé quelque chose.
Ils m'ont autorisé à me marier et vivre avec toi pendant 5 ans.
Cinq ans qui seraient à moi, à toi et à Hylliade.
Cinq ans Méri....
Ils acceptaient également de ne pas dévoiler notre trahison et de ne pas vous tuer.
Mais passé ces cinq ans, je devais simuler ma mort, disparaître complètement et leur revenir pour renaître sous l'identité de Messir Blanc, marchand de diamants, qui peut lui, grâce à son métier, traverser toutes les frontières.
Je suis leur agent de renseignements. Et à vie.
Voilà l'arrangement....
Bien sûr, tu devais me croire mort. Tu devais..... s'arrête-t-il ne pouvant plus contrôler sa voix... m'oublier.
Si d'une quelconque mannière tu avais dû avoir un doute, vous seriez mortes toutes les deux Méri.
Voilà ce qu'ils m'ont dit.
Alors, j'ai choisi tu comprends.
Je ne savais pas si tu dirais oui tant ma proposition t'avait fait rire, mais j'ai choisi la vie.... l'amour que j'espérais....
J'ai choisi ces cinqs ans de bonheur et votre sécurité, même si le reste de ma vie leur appartenait désormais.
Et j'ai obéi.
Le silence qui s'était installé est brisé alors violemment par le rire hystérique de Mériam.
- Tu... tu veux dire que tout ce temps... tout ce temps passé à mentir à ma fille ne servait à rien ?
Qu'ils savaient tout depuis le début ?
- Oui.
Et alors qu'elle lève la tête, les yeux secs mais avec cet air de ployer sous un poids colossal, qu'il ne lui a vu qu'une seule fois... Un soir de Solstice... Elle rajoute d'une voix blanche
- Mais Garhet ... !!!! Elle est partie furieuse parce qu'elle avait compris et parce qu'elle m'a reproché de lui avoir menti tout ce temps !!
ELLE EST PARTIE PARCE QUE JE LUI AI MENTIE GARHET !!!! crie désormais Mériam, toute sa colère et sa rage s'exprimant enfin, après tant de jours de marche, tant de jour d'angoisse.
ET TU ME DIS QUE CE MENSONGE N'AVAIT PAS LIEU D'EXISTER ??????
Garhet fait alors la seule chose qui convient en cet instant, où la seule femme qu'il ai jamais aimé s'effondre en sanglots enfin libérés.
Doucement il l'a prend dans ses bras...