Lentement, la puissante magie de l’archi-diable repoussa la mer et l’eau graduellement se retira. Sa zone d’influence grandit ainsi que sa souillure. La nature se plia à sa volonté et se retrancha sur elle-même. De son glorieux temple, il ne restait que ruines rongées par les eaux et le sel. Le maître des âmes réalisa que ce monde avait changé et il nourrit secrètement l’espoir que cela pourrait être favorable à ses noirs dessins. Il puisa l’énergie de son puissant rituel dans l’essence même de ses sbires. Certains moururent, d’autres s’effondrèrent, certains tinrent bon. C’était sans importance, ils étaient là pour ça, pour le servir. La chaleur monta dans le dôme et elle devint rapidement étouffante. Le maître des lieux décida alors de se retirer. Il franchi le portail en sens inverse et beugla ses ordres. Alors qu’il retournait en son palais, déjà ses esclaves commençaient les travaux de reconstruction. Il faudrait un peu de temps, il en avait. Privilège des être immortels.
L’auberge était bondée comme chaque soir. A une table, un firbolg et un lurikeen se tenaient face à face avec une lueur de défi dans les yeux. Grunt était célèbre dans la région, il était reconnu pour être le plus grand buveur à des lieux à la ronde. Pourtant, le petit Capsul l’avait défié et avait misé cent pièces d’or qu’il le ferait tomber sous la table. Ce genre d’activité était rare dans cet établissement réputé pour sa bonne chair, ses bons vins et ses prix exorbitants. Les deux adversaires avaient déjà le regard vague et les verres alignés sur la table témoignaient de leur investissement.
Valyra alla trouver l’aubergiste et le salua. Elle devisa avec lui quelques minutes pendant lesquelles Vaedris regardait le duel en souriant. Son regard croisa celui du lurikeen un bref instant et capsul afficha un grand sourire malicieux.
Valyra et Vaedris montèrent à l’étage vers la chambre qui leur était destinée. L’un comme l’autre étaient silencieux et ils appréhendaient un peu ce qui allait pouvoir se passer. Il y avait dans l’air de la gène mélangée à un sentiment de désir. Soudain Vaedris de figea. Il l’avait entendu grogner. Il y avait quelque chose là , tout près. Elle se manifestait. Il ressentait sa colère d’être captive. Elle voulait sortir. Il banda toute sa volonté et la reflua au plus profond de lui-même. Pourtant il y avait quelque chose dans l’air, une force invisible qui l’attirait. Comme la dernière pièce d’un puzzle ou la serrure d’une clé. Il tira son arme du foureau. Valyra le regardait faire mais se taisait. Elle aussi avait sentit quelque chose, comme si leurs esprits communiaient pour répondre à l’appel d’un autre.
- Et bien je suis le bras ? Parle donc ! De quoi s’agit il ? La fraternité runique est elle une guilde ? Un ordre secret ?
- Pauvre ignorant, toi qui te targue de ne jamais te laisser surprendre, tu t’es jeté dans la pire des catastrophes avec l’innocence d’une jeune chèvre. Et maintenant ? Que vas-tu faire ? Exiger de moi ton paiement ? Me tuer ou continuer à me dévorer des yeux comme un enfant devant un pot de biscuit ? Je ne peux pas t’aider et je n’ai aucune raison de le faire. Par contre, j’en ai une de plus de vouloir ta mort… Et je l’aurais.
Sanaslaïr sourit, elle se dévoilait enfin et dans ses paroles il comprit qu’il ne lui était pas indifférent. Il percevait la confusion qui bataillait dans l’âme de cette femme. Il y a quelques jours, il aurait volontiers affirmé qu’elle était sans pitié et plus noir que la plus noire des pierres. Sans pitié elle l’était, sans aucun doute, mais il sentait que cela rentrait dans un grand dessin. Quelque chose dont provisoirement il ne pouvait distinguer les contours et pourtant…
Il perdit quelques instants son regard sur ses formes rondes se demandant effectivement si enfin il n’allait pas la coucher en travers du lit et donner libre court à ses pulsions. Il n’eu pas le temps de se décider.
La porte vola en éclat et s’ouvrit dans un grand fracas. Le protecteur se tenait là et avec lui la cible encore en vie, bien entendu. Chose nouvelle, il était armé d’une épée qu’un nain ivre mort, édenté et aveugle n’aurait eu aucun mal à identifier comme une arme magique. Si il avait eu d’avantage de temps, Sanaslaïr aurait étudié l’arme plus en avant mais la situation ne manquait pas d’être cocasse. Le commanditaire, la cible, l’assassin et le protecteur dans la même pièce au même moment. Situation somme toute embarrassante et qui pouvait aisément se finir dans un bain de sang. Il décida donc d’opter pour la solution qui lui apporterait le plus de chance de survie :
- Soyez les bienvenus, nous vous attendions.
La femme lui lança un regard noir, elle n’en revenait pas, il les avait fait venir. Elle regarda sa belle fille incrédule qui posait sur sa nudité des yeux ronds de surprise et de confusion.
- Entrez et fermez ce qu’il reste de la porte que nous soyons un peu tranquille, d’ailleurs ma dame est fort pudique et répugne a se montrer nue en public. Vous n’y verrez pas d’inconvénient si elle s’octroie de droit de se vêtir quelque peu ?
Vaedris n’eu pas le temps d’achever sa réponse que déjà elle était a ses genoux :
- La prophétie a achevée son cercle, malgré nos efforts, malgré notre garde a travers les siècles, nous avons échoué et cet échec provoquera notre perte à tous. Sauvez nous, sauvez nous de la destruction que vous avez provoqué. Il va venir, il est déjà là et sa pestilence va se répandre. Il détruira tout ce qui a été battit et nous serons ses esclaves vaincus et soumis aux tourments infernaux pour les millénaires a venir. Vous seul pouvez rompre le cycle désormais, sauvez nous. Vous êtes le maître des runes, le dernier des anciens, sauvez ce monde, au nom de tout ce qui vie, marche, rampe, vole ou nage, je vous en supplie !!!
Sanaslaïr la regardait avec tant de surprise qu’il ne cherchait même pas à la feindre. En quelques secondes, il avait perdu le peu de contrôle qu’il lui restait. La situation lui échappait totalement et il ne comprenait pas un traître mot que ce qu’elle avait voulu dire. Pourtant il savait qu’elle était terrorisée. Tout ce qu’elle avait dit était le fruit d’une crainte immense, un peur irraisonnée et désespérée.
Vaedris se serait bien volontiers passé de cette femme tremblotante cramponnée a ses genoux. Quand à Valyra elle regardait sa belle mère sans savoir si elle devait l’égorger ou la plaindre.
Vaedris rangea son épée et il reprit la parole :
- Lâchez moi, habillez vous et expliquez vous.
Quelques minutes s’écoulèrent avant que chacun soit prêts à parler et écouter. Manifestement il y avait de nombreuses choses à dire. La femme une fois vêtue commença son récit :
- Sa venue est annoncée depuis de nombreux siècles et c’est notre rôle a nous de l’empêcher. Notre confrérie remonte aux temps très anciens et fût fondée après la chute de l’empire Atlante. Il se nomme, l’ordre de la rose.
Nous n’avons qu’une vision très parcellaire de l’histoire mais chaque membre de l’ordre une fois initié ouvre la porte de ses rêves. Alors nous voyons son œuvre de destruction telle qu’elle pourrait être si le cercle venait à se fermer.
Chaque nuit, nous subissons ses tortures, nous subissons sa haine pour en prendre conscience dans notre éveil et luter dans jamais oublier. Nous voyons la terreur, la destruction, la souffrance et la mort.
Pour se fermer, le cercle doit réunir les yeux, le bras, le cœur, et l’âme alors la prophétie annonce que ce qui fût scellé s’ouvrira de nouveau et qu’il viendra chercher ce dont il a été privé par le maître des runes. Notre charge et de faire en sorte que jamais cela ne se produise. Mais le cycle est continuel et sans cesse, les yeux, le bras, le cœur et l’âme cherchent à se rejoindre.
Je suis désolée ma fille, tu es le cœur et tu devais mourir. Sharin était le bras, il devait mourir. L’âme est immortelle et elle incarne la bête. Quand a moi, je suis les yeux et je n’ai pas le droit de mourir car les yeux doivent être vigilants et toujours ouverts. Pourtant si cela pouvait briser le cycle, je me donnerais la mort sans hésiter. Les brigands que j’avais payés ont échoués, et bien pire, ils ont réveillé l’âme. Cet homme qui est là est un assassin, le plus doué de sa profession semble t’il pourtant, il a échoué aussi et comble de l’ironie… Il est devenu le bras sans le savoir. Ainsi le cercle est fermé et le malheur arrive… Nous avons tous échoués, nous allons en payer le prix.
A suivre.